Texte alternatif : Un auteur de science-fiction, vêtu d’un costume sombre et fumant une pipe, rédige avec une plume ancienne devant un grand sablier dont le sable se répand sur ses documents, symbolisant le temps qui s’écoule. | A SF novelist, dressed in a dark suit and smoking a pipe, writes with an old-fashioned quill in front of a large hourglass spilling sand onto his papers, symbolizing the passing of time.

Robert — Parlons de l’inévitable destinée.
Laurent — Pourquoi le sujet t’intéresse ?
Robert — C’est un aspect central de ton projet d’écriture, qui contrebalance le libre arbitre.
Laurent — Oui. Je l’exprimerais ainsi : comme deux géants de même force se combattant sans jamais se départager.
Robert — J’entends. Mais, à la fin des fins, il y a un gagnant : l’inévitable destinée.
Laurent — Effectivement, à la fin des fins. Mais de laquelle parle-t-on ? Celle de l’individu qui se dilue dans celle des sociétés, elles-mêmes prolongées par celle de l’humanité, et ainsi de suite.
Robert — Tu n’as jamais eu l’impression… qu’on avance, qu’on bifurque, qu’on s’agite — pour finir, malgré tout, exactement là où on devait arriver ?
Laurent — Oui, bien sûr. C’est même une sensation assez tenace chez moi. Comme si, malgré nos choix, il existait des points d’ancrage dans nos vies, des sortes de jalons incontournables.
Robert — Tu parles du destin ?
Laurent — Je ne sais pas si c’est le mot juste. Ce n’est pas une volonté extérieure, ni un plan tracé. Plutôt une sorte de logique invisible… comme une gravité intérieure. On croit choisir, mais parfois j’ai le sentiment qu’on ne fait qu’épouser la pente.
Robert — C’est une pensée un peu vertigineuse.
Laurent — Vertigineuse, oui. Mais pas forcément angoissante. Il y a quelque chose de consolant aussi. Savoir que tout ne dépend pas de nous, c’est une manière d’alléger le poids de la faute.
Robert — Et de déresponsabiliser nos erreurs ?
Laurent — Pas vraiment. On reste responsables du chemin, même si l’issue nous échappe. Ce n’est pas parce que la fin est inéluctable que le voyage n’a pas de sens.
Robert — Tu me rappelles cette phrase… entendue quelque part, je ne sais plus où : « Il y a une infinité de chemins pour arriver à l’inéluctable. »
Laurent — Oui. Elle m’a marqué aussi. Elle vient de l’adaptation télévisée de Fondation, inspirée des romans d’Isaac Asimov. Hari Seldon la prononce, si je me souviens bien.
Robert — C’est celui qui prédit la chute de l’Empire galactique, non ?
Laurent — Exact. Il invente une science, la psychohistoire, qui permet de modéliser le comportement des personnes à grande échelle. Il sait que l’Empire va s’effondrer et qu’un âge sombre est inévitable. Mais il construit un plan, une Fondation, pour raccourcir les ténèbres. Non pas pour éviter la chute — ça, il sait que c’est impossible — mais pour guider l’humanité à travers elle.
Robert — Donc, il accepte l’inéluctable mais cherche à en adoucir le contour.
Laurent — Voilà. Il ne nie pas le destin, il le travaille. Comme un sculpteur avec une pierre brute : il ne peut pas changer la matière, mais il peut orienter les formes. C’est là qu’intervient le libre arbitre. Il façonne le chemin qui mène à l’inévitable destinée.
Robert — C’est à la fois lucide et… profondément humain.
Laurent — C’est, je pense, ce qui pousse l’homme à aller de l’avant : l’espoir de pouvoir changer son destin, même si ce n’est probablement qu’une illusion. Je crois que c’est ce que j’aime le plus dans cette idée. Elle nous rappelle qu’entre le hasard et la fatalité, il existe un espace — minuscule peut-être, mais réel — pour la volonté.

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