
J’ai prévu toute une série d’articles pour mon blog, une bonne soixantaine pour l’instant. Celui-ci ne figurait pas dans mes priorités. Pourtant, en lisant un billet sur www.atelierdesauteurs.com, j’ai trouvé une réponse à l’une de mes préoccupations actuelles d’écrivain encore en quête de repères.
Le billet évoque une méthode de relecture empruntée à Stephen King. L’auteur de « Ça » et « Carrie » y raconte ses débuts difficiles dans Écriture : Mémoires d’un métier, évoquant ses premiers envois de manuscrits et la collection de lettres de refus qu’il reçut. Un jour, un éditeur lui adressa ce conseil resté célèbre :
Version 2 = Version 1 – 10 %
Cette règle, d’apparence sévère, permit à Stephen King de prendre conscience de l’importance du rythme et de la concision dans l’écriture.
Ce sujet me parle particulièrement. Durant mes études, on nous demandait d’être concis dans nos rédactions et analyses, de supprimer tout ce qui n’apportait rien à la compréhension du sujet abordé. J’avais donc l’intime conviction que cette règle s’appliquait naturellement à ma manière d’écrire. Mais l’amaigrissement imposé à mes écrits scolaires m’a durablement marqué, au point de me traumatiser plusieurs décennies.
Depuis que j’ai entamé mon récit, ces canons ne me hantent plus. Le temps a fait son œuvre et émoussé mes idées reçues. J’ai décidé un jour d’écrire avant tout pour moi-même, laissant libre cours à mon imagination. Au départ, je pensais suivre une ligne sobre et compacte. Mais, au fil de l’écriture et de l’affirmation de mon style, j’ai constaté une évolution inattendue : mon texte s’est enrichi, épaissi, comme s’il prenait une ampleur imprévue. Des arcs narratifs sont apparus d’eux-mêmes, s’entremêlant, devenant des éléments incontournables.
Le texte que je m’apprête à publier est l’un d’eux. Je ne l’avais pas imaginé au départ : il s’est imposé comme une évidence, s’intercalant dans la chronologie générale de l’histoire.
Au début, j’imaginais qu’un roman devait faire entre 250 et 300 pages. Mon intrigue, initialement prévue sur sept journées, s’est étirée : j’ai écrit 150 pages sans dépasser la première journée. Je me suis alors dit qu’il serait impensable d’écrire 1 000 pages pour un roman sans l’expérience d’un écrivain aguerri. Je me suis donc fixé comme objectif de m’arrêter à cette première journée, persuadé d’atteindre un volume raisonnable. Mais je me suis trompé. C’était mal connaître mon incapacité chronique à « ne rien jeter ». À 300 pages, je n’en étais qu’à la mi-journée. Ce qui me rassurait, c’était de voir l’horloge avancer, chapitre après chapitre. Et puis, un jour, j’ai enfin atteint 23 h 59… après 700 pages ! J’ai poussé un grand soupir de soulagement : j’étais arrivé au bout du carcan temporel que je m’étais imposé.
Ou du moins, c’est ce que je croyais. Car, en cours de route, un nouveau concept s’est greffé à mon insu sur l’intrigue principale. Je me suis retrouvé avec la trame initiale bouclée à la fin des vingt-quatre heures prévues… mais aussi avec des manques à combler et un nouvel arc narratif. Je ne sais plus comment il est apparu, mais il a fini par prendre une place prépondérante dans mon récit.
Ce fil rouge secondaire s’est développé de manière autonome, jusqu’à devenir une véritable sous-histoire de 350 pages — un tiers du manuscrit total inachevé, qui atteignait alors 1 000 pages. Bien que liée à l’histoire principale, cette sous-intrigue pouvait presque exister de façon autonome. C’est donc à elle que j’ai choisi de me consacrer en premier : elle deviendra mon tout premier ouvrage publié.
Je suis donc bien loin du fameux principe de Stephen King :
Version 2 = Version 1 – 10 %
À toute fin utile, j’ai consulté mon « ami virtuel ». Je lui ai posé la question :
Quand on démarre dans l’écriture, que dit-on sur la taille de la version 2 d’un texte par rapport au premier jet ? Existe-t-il une moyenne communément admise ?
Voici ce qu’il m’a répondu :
Il n’existe pas de règle universelle ni de moyenne officielle, mais on observe des tendances chez les auteurs :
• Première version souvent plus longue : beaucoup d’auteurs écrivent trop dans leur premier jet (digressions, répétitions, descriptions détaillées). La réécriture réduit alors le texte de 10 à 30 % (Stephen King recommande 10 %). Exemple : un jet initial de 120 000 mots devient 90 000–100 000 mots après affinage.
• Première version parfois plus courte : certains écrivains rédigent d’abord un texte minimaliste, puis ajoutent des détails, des dialogues ou des transitions. La deuxième version peut alors être 20 à 50 % plus longue que la première.
• Moyenne admise : la version 2 est souvent plus courte (réduction de 10 à 20 %). L’important reste la densité et la pertinence de chaque mot.
• Variations selon le genre : les fresques historiques ou la fantasy s’étoffent avec les réécritures ; les récits intimistes ou psychologiques s’allègent en supprimant les scènes superflues.
Exemples :
- Stephen King : premier jet considérable, coupé 10 % (Carrie : 75 000 → 68 000 mots).
- J. K. Rowling : brouillons épurés qui s’étoffent (50 000 → 77 000 mots pour Harry Potter 1).
- Victor Hugo : ajoute massivement en réécriture (Les Misérables presque doublé).
- George R. R. Martin : écrit par itérations, scènes parfois réduites de moitié (20 pages → 8 pages).
État général :
- Écrivains intuitifs : version 2 = 10 à 30 % plus courte.
- Écrivains architectes : version 2 = 20 à 50 % plus longue.
- Écart moyen : ±20 % entre version 1 et 2.
Dans mon cas, je ne me reconnais pas vraiment dans ces schémas, même pour ce qui deviendra ma première parution, car je vais entamer la phase deux de relecture. Et maintenant j’ai assez d’expérience pour savoir que ma tendance n’ira pas vers l’amaigrissement.



