
Est-ce un sujet sérieux pour un article sur la relation d’un auteur avec son assistant IA, ou l’accroche — un peu aguicheuse, un brin provocateur — d’une publicité ? L’auteur en herbe que je suis se rend compte qu’il bataille constamment avec mon assistant IA pour lui faire réaliser différentes tâches.
Mais, dans la réalité, les choses ne se passent pas si simplement.
Dans mon article « Cap sur l’autoédition », j’ai décrit que l’IA est un formidable outil d’appui, du moins sur le papier. Elle aide à porter un projet conséquent, plein d’inconnu. Cela touche à des sujets pour lesquels on n’a pas forcément de compétences ni de connaissances métiers, au-delà du vernis qu’a pu apporter une curiosité pour le monde de l’édition.
L’IA a toute sa place dans ce défi ambitieux, mais elle ne garantit pas le succès. En tant que novice dans ce domaine, j’en ai pleinement conscience. Je dois en permanence ajuster, préciser, reprendre, pour obtenir le résultat acceptable. C’est même un travail d’équilibriste.
S’il s’agissait de faire résumer un texte, proposer une feuille de route, générer une image à partir d’une description claire, cela ne pose pas de problème. On peut même dire que l’IA s’en sort avec tous les honneurs. D’ailleurs, pour être honnête, si l’avènement de l’IA n’avait pas croisé ma route alors que l’envie d’écrire me tiraillait depuis des décennies, je ne me serais probablement pas lancé dans l’aventure, tant la tâche me semblait insurmontable. J’ai par le passé tenté l’expérience de l’écriture par deux fois, sans pour autant aller au bout de ma démarche. Ce n’est pas tout d’avoir une imagination débordante. Il faut écrire un texte clair, compréhensible par tous. En somme, c’est 10% de créativité pour 90% de labeur.
Toutefois, il ne faut pas croire qu’il suffit de dire à son assistant IA d’exécuter une tâche pour que ce soit acté en répondant au doigt et à l’œil. C’est bien plus complexe. Voici quelques raisons qui expliquent l’écart entre votre attente et le résultat obtenu. En premier lieu, en tant que donneur d’ordre, vous êtes responsable de la pertinence et de la qualité des informations et des requêtes envoyées à l’IA. Si elles ne sont pas suffisamment précises, l’IA peut partir à la dérive et « halluciner » (voir l’article sur le sujet). À l’inverse, trop de contraintes perturbent l’IA et nuisent à la qualité souhaitée.
Il devient donc nécessaire, pour éviter qu’on aille dans le mur avec l’IA, de s’adapter à ses capacités ; d’où cette idée de négocier avec elle et d’en rechercher le compromis. Si l’utilisateur n’y prend pas garde, on risque fort d’être déçu du résultat que restituera l’IA. On risque même de penser que l’IA est soit de mauvaise foi, soit qu’elle ne comprend rien à vos demandes, qui, pourtant, selon vous, sont légitimes.
Pour comprendre ce qu’il en retourne, il est utile de soulever un tout petit peu le capot et d’appréhender ce qui se cache sous celui de votre IA. Sans entrer dans des détails que je ne maîtrise pas, j’ai toutefois compris que les IA d’aujourd’hui reposent sur des mécanismes probabilistes pour déterminer le mot suivant, le chiffre suivant, la phrase suivante… Il paraît donc clair que si les données d’entrée sont altérées ou mal définies, si les informations sur lesquelles l’IA va s’appuyer ne sont pas suffisantes ou fiables, le résultat ne sera pas au rendez-vous. Il apparaît nécessaire de trouver un juste milieu, un compromis, entre ce que l’outil peut fournir et votre attente. Jusqu’à preuve du contraire, l’IA ne reste encore qu’un outil.
Mon retour d’expérience m’a montré que, si l’on veut exploiter l’outil à des fins dites « professionnelles », on entre dans un processus de négociation avec son IA. Voici quelques exemples auxquels j’ai été confronté.
Lorsque j’ai voulu mettre au point mon blog, n’étant pas webmaster, je me suis appuyé sur l’IA pour m’accompagner. Même si j’avais établi une relation de confiance avec elle, elle m’a conduit inexorablement dans le mur à mes dépens. En fait, j’ai dû revoir ma copie et changer de fusil d’épaule en cours de route. J’ai dû stopper mon travail pour le reprendre sur une autre plateforme. Avec le recul, j’ai compris que je n’avais pas suffisamment cadré mon cahier des charges. C’est vraiment là que je me suis rendu compte qu’on ne peut pas remplacer l’humain par une mécanique virtuelle aussi performante qu’on se l’image. L’IA ne possède pas une compréhension implicite suffisante des enjeux. Elle ne sait pas vous dire « Stop » ! Plus je m’obstinais, plus l’IA m’amenait dans de mauvaises directions. Il a fallu que j’accepte de réduire mes objectifs, puis de changer de stratégie. Il aurait été formidable que mon assistant me dise que j’allais me fourvoyer. J’ai fini par obtenir un site web acceptable, mais que de temps perdu ! Comme on dit, on apprend de ses erreurs.
Autre cas : les hallucinations des IA. Je voulais accompagner les articles d’une image qui décrive le contenu du texte. J’ai toujours une idée précise de ce que j’attends d’un outil « Text-to-Image ». Malheureusement, mes attentes étaient souvent trop complexes pour être satisfaites du premier coup. J’estime qu’en moyenne, il m’a fallu une dizaine d’images produites et de retouches pour obtenir un résultat percutant. Le fait est que l’IA n’a pas la connaissance implicite de ce qu’est un humain, une table, une chaise. Comme je l’ai exposé, l’IA a une perception numérique de notre univers, fait de valeurs comprises entre 0 et 1. Alors, un homme à trois jambes ne lui pose pas de problème. Un cigare collé dans un œil au lieu de la bouche est, pour elle, tout aussi bien. Il faut donc multiplier les circonvolutions pour parvenir à ses fins.
Dernier cas que j’évoquerai : la recherche d’optimisation d’un texte. Il est simple de dire à l’assistant IA de reprendre un texte plus ou moins long et de lui demander de corriger les fautes d’orthographe, de grammaire et de style. Généralement, le résultat semble très performant et impressionne au premier regard. Mais dès lors qu’on passe ce texte dans un outil spécialisé qui n’est pas une IA, on trouve un manque de rigueur qui laisse perplexe. J’ai passé plusieurs mois à travailler mes requêtes de correction de texte. Cela s’inscrivait dans l’objectif d’être en mode autoédition. Plus mes attentes étaient pointues et précises, plus il devenait difficile de faire accepter par l’IA de les prendre en considération. J’ai alors réduit mes ambitions et composé avec les capacités de l’IA. J’ai essayé de comprendre son fonctionnement dans ce cas d’usage, pour finalement mettre au point une procédure de correction et d’optimisation exploitable de mon point de vue. Je ne doute pas qu’avec le temps, les futures versions des IA, qui se succèdent à un rythme effréné, amélioreront les performances. Les choses actuellement vont tellement vite qu’il est fort à parier que je pourrais faire évoluer mes outils pour être plus performant et satisfaire mon besoin d’autonomie.
Pour terminer, je dirais qu’un usage intensif de l’IA nécessite d’avoir une connaissance fine de ce qu’on peut en attendre. Ce n’est pas un constat défaitiste : il est factuel. Toutefois, je n’ai aucun doute que, dans un avenir proche, la donne va largement évoluer. Les enjeux sont colossaux autant sur le plan économique, les investissements engagés des géants de la tech pour préserver leurs parts de marché, et les contraintes géopolitiques qui régissent le monde d’aujourd’hui.



